par Manuela Canabal

 

Avec ses presque cinquante ans d’existence, La Placette – rebaptisée Manor en 2001 – fait partie intégrante de la vie socio-économique du paysage architectural genevois. Aujourd’hui véritable institution au sein du faubourg de Saint-Gervais, sa construction a toutefois suscité de tels remous que son existence a semblé compromise à de nombreuses reprises au fil des neuf ans nécessaires à l’aboutissement du projet.

Celui-ci exigeait en effet la destruction de onze immeubles d’habitation alors qu’une grave crise du logement sévissait à Genève. Le projet a donc rencontré une vive contestation auprès des locataires – d’autant plus que ces bâtisses abritaient une population des plus modestes qui peinait à se reloger ailleurs – ainsi que des petits commerçants dont les arcades étaient également menacées. Progressivement, l’ensemble du quartier – voire de la Ville – en est venu à se mobiliser grâce au soutien actif du parti du Travail et aux nombreux articles que la presse locale a consacrés à l’affaire.

L’élite intellectuelle genevoise a elle aussi pris parti contre l’édification de La Placette, visiblement sans succès, et c’est avec une certaine amertume qu’elle a dû se résoudre à voir démolie la maison où vécut pendant quatre ans Jean-Jacques Rousseau. C’est pourtant au numéro 28 de la rue de Coutance que le philosophe s’est éveillé au civisme ; le souvenir en est encore conservé aujourd’hui sur la façade du grand magasin : Mon père, en m’embrassant, fut saisi d’un tressaillement que je crois sentir et partager encore : Jean- Jacques, me disait-il, aime ton pays.

Malgré de nombreux contrecoups et une bataille politico-juridique acharnée, La Placette a finalement vu le jour avec le succès que l’on sait et a permis à un quartier périclitant de renouer avec la prospérité.

Entretien avec l’auteur et pour commander cet ouvrage, vous pouvez vous adresser aux Editions Droz. ou aux Archives d’Etat de Genève.